La guerre


Léonce PICQ dans la tourmente   


                                                        

A la mobilisation, Léonce PICQ fait partie de cette Armée française commandée par des Généraux qui n'avaient pas compris qu'ils se trompaient de guerre.

Ces "irresponsables incompétents" (les Historiens sont unanimes sur ce sujet, semble-t-il) pensaient mettre à genoux Hitler avec les moyens dépassés tant sur le plan technique que stratégique de la guerre de 1914-1918 (la guerre statique) alors que Hitler avant de force engagé son pays dans un effort industriel de guerre sans précédent pour disposer d'une armée puissante et très mobile.
La France se faisait forte de bloquer les Allemands devant la ligne Maginot ! On sait ce qu'en firent les Allemands !
 
Léonce est donc rappelé à l'activité le 1er septembre 1939. Il est affecté au 49ème Régiment d'Infanterie de Bayonne où il arrive le 5 septembre 1939.
Ce 49ème R.I. est un régiment de réserve, à trois bataillons, mis sur pied à Bayonne le 02 septembre; il fait partie de la 35ème Division d'Infanterie.
Après leur mise sur pied, les unités de cette 35ème D.I. font mouvement par voie ferrée vers la région de Phalsbourg, dans le Bas-Rhin, les 15et 16 septembre. Léonce et tous ses collèges réservistes, débarquent à Lutzelbourg le 17 ou 18 septembre et cantonnent dans la région de Phalsbourg.
Le voici sur la fameuse ligne Maginot réputée infranchissable.
Du 17 au 30 septembre, c'est la période d'Instruction Militaire nécessaire à tous ces réservistes qui ont probablement oublié ce qu'ils avaient appris lors de leur service (pour Léonce en 1934-1935).
Le 01/10/1939 le 49ème R.I. fait route vers Rohrbach et installe son campement.
Le 31/10/1939, sa Division d'Infanterie est relayée par la 30ème. Ils vont donc relever la 3ème D.I.C. dans le secteur de Bitche.
Du 15 au 20 novembre, ils sont relevés par la 43ème D.I. Les trois bataillons de son 49ème R.I. se regroupent à Bouxwiller du 20 novembre 1939 au 29 janvier 1940, période pendant laquelle ils connaîtront le repos et à nouveau instruction pour les maintenir opérationnels.
Du 02 février au 30 avril 1940, ils remplaceront la 70ème D.I. dans le secteur tactique de Wissembourg.(Léonce et son 49ème R.I. iront dans le sous-secteur du Hochwald).
Le 26 mai, mouvement vers le Secteur Fortifié de Rohrbach
Le 01/05/1940, les bataillons se regroupent dans la région de Brumath et le 49ème R.I. est affecté à la 30ème Division D' Infanterie Alpine du Général Duron.
Le 17 juin, les troupes allemandes sont au contact de la ligne principale de résistance du régiment, organisée sur le canal de la Marne au Rhin entre Gondrexange et Hesse.

Ce même jour, vers 13 heures, le Maréchal Pétain expliquait aux Français qu'il fallait cesser le combat.
L'effet de cette annonce fut désastreux sur le moral des troupes qui se battaient le long de la ligne Maginot.
Le lendemain, les Allemands déclenchent de violents bombardements et lancent une attaque générale.
Le 49ème R.I. doit décrocher et se replier.
Les jours qui suivent sont terribles !
Les soldats français sont attaqués à Badonviller, Haute-Seine, Bertrambois, Saint-Quirin le 19 juin.
Le 20, c'est au tour des Collines, La Chapelotte où se bat le deuxième bataillon du 49ème R.I.. Toute la 30ème D.I. subit de violentes attaques sur son front et connaît de lourdes pertes.
Le 21 juin, la pression ennemie s'accentue encore ! Les troupes allemandes s'infiltrent dans le dispositif des unités françaises réduites et maintenant exténuées. Le deuxième bataillon du 49ème R.I. résiste crânement à Allarmont.
Les vivres et les munitions sont épuisées. Ordre est donné de détruire les archives et les drapeaux !
Le 22 juin, les combats ne sont plus que sporadiques.
Pourquoi continuer à se battre puisque l'après-midi de ce même jour, les plénipotentiaires français signaient à 17h 50 dans l'historique clairière de Rethondes, dans la forêt de Compiègne (lieu symbolique pour les Allemands qui voulaient se venger de leur défaite en 14-18) l'acte d'Armistice qui allait asservir leur pays pendant 4 ans.
Le 23 juin, l'ordre de cesser le feu est donné.
 
Le 24 juin, c'est la reddition.
Léonce PICQ est capturé aux Rouges-Eaux, petite commune près de Saint Dié le 25 juin 1940.
L'ensemble de sa division sera capturé et transféré au frontstalag 210 de Strasbourg.
La camp de prisonniers de Strasbourg était un frontstalag (frontstammlager en allemand) 'est-à-dire un camp de transit  pour les prisonniers avant leur acheminement vers des camps en principe définitifs situés en Allemagne (les stalags pour les hommes du rang et sous-officiers et les oflags pour les officiers).
Le stalag 210 D de Strasbourg a été ouvert le 9 juillet 1940 dans la citadelle Vauban où les autorités allemandes avaient construit plusieurs casernes après l'annexion de l'Alsace-Lorraine. Ainsi la caserne Vauban, la caserne Bataille ancienne Kaiser Friedrich Kaserne, la caserne Fiévet, ancienne Pionner Kaserne, la caserne Girodon ancienne Kaiser Wilhelm Kaserne.

Citadelle vauban Caserne girodon 4 Caserne stirn
Plan du front-stalag Caserne Girodon Caserne Stirn
Caserne vauban   Caserne bataille
Caserne Vauban   Caserne Bataille


           
          

Léonce restera prisonnier dans l’une de ces casernes jusqu'au 20 juillet 1940, date à laquelle le camp deviendra le stalag V D, c'est-à dire un camp définitif. Léonce va alors entamer un périple qui va le conduire vers trois camps différents de l'autre côté de la frontière.

Carte des stalags


Il sera , dans un premier temps,  transféré en Allemagne vers le stalag XII D de TRIER (TREVES).
Le stalag de Trèves était situé dans un ensemble de 60 baraques en planches construites en 1936 sur la colline du Pétrisberg qui domine la ville. Elles servaient à héberger les troupes allemandes pendant l'achèvement  de casernes modernes à Trèves.  Ce camp est transformé début octobre 1940 en stalag et les soldats français y arrivent en masse.
Léonce fera donc partie des premiers arrivants qui arrivent en train à la gare de transbordement de Trèves, Après avoir été comptés à plusieurs fois à la descente des wagons, ils rejoignent à pied le camp par une route en lacets sous bonne escorte armée.
A leur arrivée, ils sont fouillés, les objets personnels sont confisqués. Les officiers sont envoyés vers un oflag (camp de prisonniers pour officiers), Le reste des prisonniers restera sur place et vivra dans une de ces baraques surpeuplées équipées de lits sur trois hauteurs dans des baraques de 20 personnes par chambre ou dans le pire des cas des grandes chambres de 120 places. Une infirmerie de 4 baraques peut accueillir 90 malades et une prison (en pierre en non en planches) accueillera jusqu'à 90 personnes, Pour s'occuper, les prisonniers marchent dans le camp fermé par des barbelés et des miradors,
Il est probable qu'il ait croisé ou rencontré un prisonnier qui deviendra célèbre:Jean-Paul SARTRE, écrivain et philosophe, futur membre de la Résistance comme lui, qui séjourna au stalag de juillet 1940 à mars 1941.Dans son livre «Le journal de Matthieu» il décrit des conditions de vie relativement humaines dans ce camp.

Entree du camp Le camp en 1940 Vue aerienne du camp
entrée du camp le camp en 1940 le camp en 1942
Poste de garde La gamelle Prisonniers a treves
le poste de garde la gamelle les prisonniers


           

 

Léonce sera alors envoyé en Octobre 1940, comme beaucoup d'autres prisonniers, travailler dans un « arbeit-kommando » car un document écrit de sa main parle de  Kirscheimbach.

Son écrit est confirmé par les Autorités allemandes de l'époque qui établissent le 09/04/1942 une « Personalkarte » n° 17933, émise sur la base des informations communiquées par le Stalag XII B qu'il connaîtra plus tard, qui précise qu'il est envoyé dans l'arbeit-kommando de Kirchen/Arnbach à 120 km de là.

  

Personalkarte 1 Personalkarte 2

 

    

Sa Personalkarte 

 

 

Léonce sera ensuite transféré début juillet 1941 au Stalag XII B de Frankhental/Pflatz (Allemagne), localité située entre Ludwigshafen et Mannheim, à environ 130 kilomètres au nord de Strasbourg.

Le camp, créé en avril 1940, était situé entre la Pfister'sche Festhalle et la Schützenplatz, entre l'actuelle Schiessgartenweg et la rue Am Kanal. Le camp était constitué d'un grand bâtiment en dur construit avant la guerre (une grande salle des fêtes) qui servait essentiellement de dortoir et de baraques en planches.

 

Localisation stalag xii b Localisation stalag xii b 2 Salle des fetes
localisation le plan actuel dessin de la salle des Fêtes
Photo 3 Photo 1 Stalag 3

prisonniers devant

la salle des Fêtes

vue lontaine l'entrée et sa guérite
Stalag xii b Cache 2431966500 Cache 2431966603

 

vue d'ensemble

prisonniers

du XII B

visite du camp


           

Un compte-rendu de visite de la Croix-Rouge de 1941 parle de conditions de vie excellentes, Difficile à croire ! Il ne faut oublier que le représentant de la Croix-Rouge était un diplomate et que les Allemands avaient la force pour eux, Il fallait donc être « arrangeant » dans ses conclusions,

A son arrivée au camp il sera expédié dans un Kommando dans une ferme allemande à SPEYER au sud de Mannheim, il en profita pour se refaire une santé sur le plan alimentaire (il fallait regonfler le moteur de son ancienne grosse carcasse) car il faut bien dire que les repas étaient réduits à leur plus simple expression au camp . En effet, la bascule du camp affichait 65 kg alors qu'à ses 18 ans il pesait 118 kg de muscles. 
Et puis il fallait aussi accumuler des provisions en vue de son prochain départ car Léonce avait déjà programmé sa future évasion.
Le 20 août 1941, ce sera la bonne !
Il a raconté son évasion à une autre figure de sa Saintonge, Pierre Goy dit Yoyo,correspondant local de l'hebdomadaire La Haute Saintonge qui lui consacra un article le 13/08/1983.
 Pierre Goy avait été instituteur puis directeur du Collège de Mirambeau (dont l'auteur de ces pages a été élève et où il a eu le "déplaisir" de se faire botter le cul par le dit Yoyo qui était toujours chaussé de sabots... si, si !).  A sa retraite, Yoyo a été un formidable chroniqueur de la vie locale.


Le PICQ s'envole vers la liberté


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Léonce a toujours refusé de parler de cette période-là ; la douleur et la révolte lui serraient la gorge. Il préférait faire semblant de se mettre en colère pour éviter le sujet. Trop de souvenirs cruels, sans doute.
Cependant on peut imaginer quelles durent être les conditions de détention à la lecture d'une brochure de propagande éditée en 1942 par le Secrétariat d'Etat à la Guerre de Vichy, après une tournée d'inspection organisée par l’armée allemande.
On imagine très bien que les conditions réelles de vie des prisonniers étaient nettement plus dures que celles décrites dans ce document.
"Le stalag XII B est situé" en Bavière-Rhénanie (ou Palatinat), en bordure de la ville de Frankenthal sur un sol peu dense et poussiéreux en été.
Le camp comporte trois baraques et une grande salle des fêtes. Les aménagements intérieurs sont assez mornes : les rangées de lits étagés succèdent aux rangées de lits. Cubage d'air normal. Eclairage électrique. Installation de douches bien comprises. Lavabos et toilettes satisfaisants.
Alimentation à peine suffisante, complétée par les envois du Maréchal.
A fin décembre 1941, ce camp avait reçu sous forme d'envois collectifs de vivres et effets d' habillement les quantités suivantes: 565.200 kg de vivres (pain de guerre, conserves de viande et poisson, fruits, sucre, confiture, etc...) 34.826 kg de tabac et cigarettes, 234.634 pièces d'effets d’habillement.
Irrégularités dans la distribution des formulaires de correspondance. Le fonctionnement du courrier des familles est satisfaisant dans l'ensemble. Deux cartes et deux lettres-réponses sont en moyenne distribuées par mois.
Le délai d'acheminement est environ de 22 jours. Les prisonniers peuvent recevoir 2 colis par mois.


    

une carte envoyée le 12 juin 1941 par un camarade de captivité (charentais comme lui)
à son épouse
Au camp, les captifs sont utilisés au triage du courrier et à la récupération des barbelés.
A l'extérieur, une grande partie a été employée dans les fabriques de meubles, de charpentes, d'engrais, de conserves, de tonneaux, de bouchons, ou bien chez des civils comme domestiques, cuisiniers, pépiniéristes, bureaucrates, etc...
Dans la région de Wissembourg et de Sarreguemines on les occupe à la récupération des vieilles ferrailles.
L'exercice du Culte a lieu dans des conditions normales.
Il existe des cours d’Allemand et d’Anglais organisés par les captifs. La bibliothèque du camp dispose de nombreux volumes.
Les distractions sont représentées par un théâtre et un orchestre.
Dans ce Stalag les exercices physiques sont peu importants".
Une véritable brochure touristique "à la sauce Pétain".


Léonce sera donc transféré dans une ferme à Speyer à 30 km environ au sud de son camp le 1er août 1941.
Il ne rechignera pas à exécuter les travaux agricoles qu'on exige de lui. Car il faut bien dire que le régime disciplinaire est bien plus clément que celui du camp d’internement, malgré le zèle des soldats allemands chargés de surveiller les Kommandos au travail.
Et puis et surtout, Léonce a très vite compris que cette ferme était pour lui une chance formidable pour se faire la belle.
Il va se faire oublier pour se refaire une santé et prendre le temps d'organiser son évasion.

 

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